* London river

Publié le par 67-ciné.gi-2009

London river drame de Rachid Bouchareb





 


à partir du mercredi 23 septembre au cinéma

 avec :
Brenda Blethyn, Sotigui Kouyaté, Roschdy Zem, Sami Bouajila et Bernard Blancan

durée :
1h28
sortie le 23 septembre 2009

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Synopsis
Juillet 2005, un attentat terroriste frappe Londres. Ousmane vit en France, Elisabeth Sommers à Guernesey. Tous deux vont partir sur les traces de leurs enfants respectifs, étudiants à Londres, dont ils n’ont plus de nouvelles. Tout les oppose mais l’espoir de retrouver leurs enfants les rapprochera et changera à jamais leur vie.


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Interview avec Rachid Bouchareb
Catherine Wheatley : « Les questions de nationalité, de déracinement, de recherche d’identité, de communauté et des liens familiaux sont toujours au coeur de vos films. Qu’est-ce qui vous a profondément motivé pour réaliser London river ? »

Rachid Bouchareb : « Je dirais que tousmes films tournent autour des rencontres entre des gens différents, issus de pays et de mondes différents.Ce thème est toujours au coeur demes films parce que les personnages sont toujours en voyage. Et cette tendance s’applique au-delà des personnages à l’écran, elle s’étend aux acteurs mêmes. Je trouve fascinant le concept de la rencontre entre Sotigui Kouyaté, acteur africain, et Brenda Blethyn, actrice anglaise. Au-delà de leur amitié, c’est une connexion humaine entre deux personnes de nationalités, religions et univers différents. Ça permet de dépasser la rencontre cinématographique et cela donne au filmun degré de vérité sur les cultures de ces deux individus. »

Catherine Wheatley : « Aviez-vous pensé dès le départ à Sotigui et à Brenda pour les rôles principaux ? »

Rachid Bouchareb : « À Sotigui, oui. Après avoir tourné Little Senegal ensemble, je savais que je voulais retravailler avec lui, et j’ai écrit London river avec lui en tête. Quant à Brenda, depuis que j’avais vu le film Secrets and lies de Mike Leigh, je voulais absolument lui proposer un rôle. Quand finalement je l’ai rencontrée, elle était très prise par d’autres projets, alors j’ai dû attendre un an qu’elle soit libre. Parce que je savais que c’était eux qu’il fallait pour le film. Ils étaient le film. »

Catherine Wheatley : « Vous avez dit dans une autre interview que les sujets que vous choisissez pour vos films vous permettent de vous retrouver. Est-ce que vous vous êtes retrouvé dans London river ? »

Rachid Bouchareb : « Dans la mesure où c’est un film sur le problème d’être musulman en Europe, alors oui, ce film me concerne personnellement. Je vivais en France au moment des attentats sur le World Trade Center, à New York, et j’ai ressenti le contrecoup. Il était soudain plus difficile que jamais d’être un musulman en France. »


Catherine Wheatley : « Comment les attentats de Londres ont-ils été perçus en France à l’époque ? »

Rachid Bouchareb : « Je dirais que c’était comparable aux attentats de Madrid. Honnêtement, il n’y avait pas beaucoup de couverture dans la presse. En fait, je n’ai pas entendu les gens parler de ces attentats comme après le 11 septembre 2001, pas avec le même sentiment d’urgence. C’était comme si, après la crise initiale, c’est-à-dire les attentats du World Trade Center, plus rien ne pourrait être aussi choquant. Rien de ce qui viendrait après ne pourrait produire le même effet. »

Catherine Wheatley : « Le sujet est en fait assez délicat… »

Rachid Bouchareb : « Mon film est moins sur les attentats mêmes que sur la rencontre qu’ils engendrent entre ces deux personnages. C’est ça qui est important pour moi, que ces deux personnes qui se rencontrent soient unies par le même problème, leur désir de retrouver leurs enfants respectifs. Et l’histoire se concentre sur ces deux personnes, un homme et une femme, ayant chacune un passé très différent mais qui ont les mêmes peurs, les mêmes angoisses. Il fallait une crise pour les réunir, et cette crise aurait pu être autre chose comme les attentats du 11 septembre, par exemple. London river est d’abord un drame humain, sur la manière dont les gens réagissent à de tels événements, comment ils se trouvent dans un même endroit et se forgent leur relation. Les événements tels que les attentats du 7 juillet divisent les gens naturellement,mais enmême temps, ils les réunissent aussi. Ils ont besoin les uns des autres. Il faut que les gens s’unissent face à de telles crises. C’est une obligation. »

Catherine Wheatley : « Quel type de recherches avez-vous mené pour votre film ? »

Rachid Bouchareb : « La couverture de ces événements à la télévision est déjà très complète, il n’y a pas besoin d’en rajouter. Mais ce qu’il faut, c’est donner un visage humain à ces drames. Bien que le film contienne des images d’archives des événements et des vraies victimes, je n’ai pas fait beaucoup de recherches sur l’impact des attentats sur ceux qui les ont vécus – interviews avec des familles touchées, etc. En revanche, je voulais prendre ces deux acteurs, vivre avec eux, voir comment ils allaient aborder leurs personnages et quelle relation se développerait entre eux : leur rencontre. C’est ça qui donne au film son universalité. Si j’avais fait ce film avec des acteurs chinois, indiens, arabes ou avec des acteurs venant d’ailleurs en Europe, ça aurait été pareil, toujours centré sur les mêmes peurs, soucis, drames... Je ne voulais pas rester collé aux faits historiques et aux témoignages – ces choses apparaissent dans le film, sur les écrans de télévision que l’on voit. Mais pour l’histoire, je voulais aller plus loin, chercher quelque chose de plus profond. »

Catherine Wheatley : « Comment avez-vous abordé l’écriture du scénario ? »

Rachid Bouchareb : « J’avais écrit l’histoire du film avant de commencer le tournage, mais une fois que l’on a commencé, il y avait de l’improvisation. Les scènes existaient déjà mais il fallait remplir les détails. Alors quand le personnage de Brenda arrive pour la première fois devant la boucherie dans l’immeuble où habite sa fille, par exemple, ou quand elle rencontre Ousmane, sa réaction dans ces scènes n’était pas écrite, ses gestes étaient complètement spontanés. Il y avait d’autres improvisations entre les deux personnages principaux, des scènes qui n’étaient pas écrites à l’avance. Par exemple, quand on les voit en train de partager une pomme, ou quand ils se séparent pour la dernière fois. Je n’aurais pas pu écrire la gestuelle de cette embrassade qu’ils partagent, quand il se tient fort et droit comme un arbre alors qu’elle s’agrippe à lui. Pareil, je n’aurais pas pu écrire la scène où le personnage de Sotigui chante pour consoler Brenda – ça venait entièrement de lui. Il ressentait le besoin de chanter, alors il l’a fait. Pour moi, cette méthode de travail a produit des moments parmi les plus bouleversants du film. »


Catherine Wheatley : « Il y a un très beau contraste physique entre les deux acteurs… »

Rachid Bouchareb : « C’est exact. C’est pourquoi j’avais besoin de ces deux acteurs et personne d’autre. C’est un élément très important du film. En fait, on pourrait même dire que c’est le film. »

Catherine Wheatley : « Le film a un aspect presque documentaire, ce qui est tout le contraire du look très soigné d’Indigènes »

Rachid Bouchareb : « Après la précision qu’Indigènes a exigée, je voulais une liberté absolument totalepour ce film. Je voulais oublier complètement les esthétiques cinématographiques et mettre de côté toutes discussions techniques. Tout ce qui m’importait, c’était les personnages. Nous avions un quartier de Londres, deux acteurs, quinze jours, et nous travaillions au jour le jour. Il y avait peu de lumière, une équipe très réduite. En travaillant comme ça, j’étais débarrassé de l’obligation de passer beaucoup de temps à préparer des scènes, à répéter, à penser aux prises de vue.
C'était très rafraîchissant de travailler de cette façon, avec très peu de préparation ou de préambule. En fait, la semaine avant de commencer le tournage, j’étais à Cannes pour participer au jury pour le Festival, et de là j’ai pris un avion directement pour Londres pour commencer le film. Je n’ai pas passé des semaines à penser au film à l’avance ; je suis arrivé avec la tête claire. De ce fait, le tournage, et je pense aussi le film, étaient beaucoup plus spontanés et plus intimes.
»

Catherine Wheatley : « Est-ce qu’il y avait des influences cinématographiques spécifiques sur le film ? »

Rachid Bouchareb : « Ce qui était génial sur ce film, c’est que je pouvais m’éloigner des autres films ; il n’y avait pas d’influences, pas de contraintes, pas d’obligations. C’était important parce que, comme j’ai dit, je voulais être libre, je voulais que les acteurs soient libres, et je voulais que le film soit libre. Alors je n’avais pas de concept en tête avant de commencer le tournage. C’est pour ça que c’était si important que j’arrive sur le tournage dans cet état très serein. Et je pense que le film est meilleur grâce à ça. Je crois que le cinéma doit vous faire ressentir des émotions. Toujours. Indigènes l’a fait–lors des projections à travers le pays, j’ai vu des spectateurs pleurer pendant qu’ils regardaient le film. Et c’est important de générer des sentiments forts. J’aime le mélodrame. J’aime Autant en emporte le vent ; Paris, Texas ; Le pont de la rivière rivière Kwai. Des films de ce genre dégagent une chaleur humaine, ils ont la capacité de tirer des larmes à leurs audiences. Et ça, c’est une chose à laquelle j’aspire. »

Catherine Wheatley : « Quel est le rôle de la foi dans le film ? Les deux premières scènes montrent les personnages en train de prier, mais à part cela, la religion semble étrangement absente du film. »

Rachid Bouchareb : « Tout simplement, les deux personnages vivent, chacun de son côté, très à l’aise dans leur foi. Parce que l’on peut avoir la foi, vivre avec et être une bonne personne. C’est aussi simple que cela. Beaucoup de gens ont leurs croyances. Cela fait partie de leur identité, ce qui ne veut pas forcément dire que cela les définit. La politique, la foi, la nationalité, ce n’est pas pareil. C’est pourquoi il y a le personnage du policier qui dit à Ousmane que lui aussi, il est musulman. C’est pour dire que tous les musulmans ne sont pas des Arabes : il y a des musulmans en Chine, en Russie, en Europe de l’Est. Il y a des Européens qui sont musulmans. En France, à Londres. C’est ça que je voulais montrer. »

Catherine Wheatley : « Ce qui ressort, c’est la difficulté constante à communiquer, même entre proches. Les deux personnages principaux connaissent peu de choses de la vie de leurs propres enfants. »

Rachid Bouchareb : « Le grand problème de nos jours est le manque de communication. On le voit dans des relations politiques internationales. Où est le dialogue ? Où est la compréhension ? Les gens ne se parlent plus et le monde n’y arrive pas non plus. On le constate tous les jours aux infos. C’est rare de voir des gens assis autour d’une table pendant plusieurs jours pour se parler de leurs problèmes. Non. Au lieu de ça, on voit des gens armés, en guerre. Ce problème commence au niveau des relations personnelles, et la solution devrait commencer là aussi. »

Catherine Wheatley : « On peut dire que le film est résumé dans la phrase de Brenda : Nos vies ne sont pas si différentes. »

Rachid Bouchareb : « C’est vrai. Nos vies ne sont pas si différentes parce que nous ne sommes pas si différents, peu importe le coin de la planète où l’on habite. Dans nos pensées, nos sentiments, nos peurs, nos joies, nos espoirs et nos soucis, elles ne sont vraiment pas si différentes. Elles sont pareilles. »

Catherine Wheatley : « Il y a une forte juxtaposition entre le rural et l’urbain. »

Rachid Bouchareb : « Je voulais montrer la façon dont les deux personnages vivent en quelque sorte en dehors du monde, et en montrer la futilité. Elle vit sur son île, il vit dans la forêt, mais on ne peut continuer comme ça. On ne peut rester complètement isolé. »

Catherine Wheatley : « Pourtant, les deux personnages retournent dans leurs milieux ruraux. Qu’est-ce que l’on peut tirer de la fin ambiguë du film ? »

Rachid Bouchareb : « C’est entièrement au spectateur de décider ce qui peut se passer après. La vie continue. La ferme, la forêt : c’est là qu’ils habitent, qu’ils travaillent, bref, c’est leurs vies. Qu’est-ce qu’ils auraient pu faire d’autre que rentrer ? Je pense que le spectateur peut tirer ses propres conclusions de cette fin, en se mettant à la place de chaque personnage. »


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Fiche technique
Réalisateur : Rachid Bouchareb
Scénaristes : Rachid Bouchareb, Zoé Galeron et Olivier Lorelle
1er assistant réalisateur : Mathieu Schiffman
Script : Virginie Barbay
Son : Philippe Lecoeur, Franck Rubio et Olivier Walczak
Musique originale : Armand Amar
Chef décorateur : Jean-Marc Tran Tan Bâ
Chef monteur : Yannick Kergoat
Directeur photo : Jérôme Alméras
Photographe : Roger Arpajou
Producteur : Jean Bréhat
Coproducteurs : Bertrand Faivre et Matthieu de Braconier
Productrice associée : Muriel Merlin
Directeurs de production : Claire Bodechon et Victoria Goodall
Directeur post-production : Cédric Ettouati
Coproduction : 3b Productions avec Arte, The Bureau et Tassili Films
Avec la participation de France 3, la région Paca, Acse et Cnc

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présentation réalisée avec l'aimable autorisation de

remerciements à
Marie Le Seach
logos, textes & photos © www.tadrart.com

Publié dans PRÉSENTATIONS

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