* Tu n’aimeras point

Publié le par 67-ciné.gi-2009

Tu n'aimeras point drame de Haim Tabakman



avec :
Zohar Strauss, Ran Danker, Tinkerbell, Tzahi Grad, Isaac Sharry, Avi Grayinik et Eva Zrihen-Attali

durée : 1h30
sortie le 2 septembre 2009

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Synopsis
Aaron est un membre respecté de la communauté juive ultra-orthodoxe de Jérusalem.
Marié à Rivka, il est le père dévoué de quatre enfants. Cette vie en apparence solide et structurée va être bouleversée le jour où Aaron rencontre Ezri.
Emporté et ému par ce bel étudiant de 22 ans, il se détache tout doucement de sa famille et de la vie de la communauté. Bientôt la culpabilité et les pressions exercées par son entourage le rattrapent, le forçant à faire un choix...



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Rédigé au XIIe siècle, le Sefer Hamitzvot ( Livre des Prescriptions ) de Moïse Maïmonide est un ensemble de sentences trouvées dans la Torah, de façon à totaliser 613 mitzvot comme le veut la tradition rabbinique.

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Haim Tabakman, parcours
Mitzvot 25. Ne pas suivre les caprices du coeur ou de ce qui s'offre à la vue des yeux.

Haim Tabakman :
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Adolescent, j’étais passionné de musique. J’ai commencé par jouer de la basse dans plusieurs groupes de rock. Mais en Israël, on doit impérativement rejoindre l’armée entre 18 et 20 ans. On a la sensation de devoir tout mettre en suspens pendant un laps de temps déterminé. C’est paradoxal : à l’âge où on a plein d’énergie, une curiosité débordante, on se retrouve dans une structure rigide et limitatrice de nos désirs.
Après mon service militaire, je me suis inscrit en cinéma à l’Université de Tel-Aviv. Je pensais devenir photographe et je me suis retrouvé, un peu par accident et surtout par nécessité, monteur.
Quand on est étudiants en cinéma, chacun travaille en même temps sur ses propres projets et ceux des autres… Je commençais avec un monteur et finalement je me retrouvais tout seul. J’ai donc appris le métier de monteur pour mes propres films. Puis j’ai monté des séries télé, des documentaires et le long-métrage de David Volach,
My father, my Lord. En 2008, j’ai décidé de me consacrer entièrement à la réalisation de mon premier film.
Tu n’aimeras point est un projet qui a mûri et évolué pendant sept ans. Le premier scénario est de Merav Doster, un camarade d’Université. Peu de temps après ma sélection à la Cinéfondation au Festival de Cannes, le producteur, Rafael Katz, m’a proposé ce scénario. Nous avons entamé ensemble une longue période de réécriture à laquelle s'est associé le coproducteur français, David C. Barrot.
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Cinéma et mise en scène
Mitzvot 31. Ne pas représenter de formes humaines, même dans un but décoratif.

Haim Tabakman : « Le temps, la durée. La principale différence entre le divertissement et l’art repose sur le fait que le premier a pour but de faire passer le temps plus vite alors que le deuxième tente de redonner au temps toute sa densité. En donnant de la valeur au temps, le cinéma permet de faire remonter en surface une conscience de ce qui se passe. Ça me fait penser à l’histoire de Catch 22, le roman de Joseph Heller, qui s’attarde sur des personnages assez ennuyeux. J’aime cette façon de regarder la vie passer. Par exemple, je ne voulais pas couper la scène de la chambre froide où Aaron et Ezri s’embrassent pour la première fois. J’avais le sentiment qu’il fallait que le spectateur s’installe dans la durée pour éprouver l’inéluctable attirance mutuelle de ces deux êtres et dépasse un malaise premier.
Cette séquence est importante car elle impose le tempo du reste du film.
Spectateur, point de vue et construction du plan. C’est fondamental que le spectateur ait un espace dans la narration pour pouvoir réfléchir et être partie prenante. J’ai évité les champs-contrechamps pour permettre au regard d’être plus contemplatif, plus libre. Je pense à la scène où Aaron et Ezri se retrouvent seuls devant la boucherie. Un bus passe et dans un reflet on voit que, de l’autre trottoir, ils sont observés. Ce plan donne une idée assez précise de ce que c’est que vivre au sein de cette communauté, d’être surveillé en permanence. C’est un plan assez intuitif, j’avais envie que l’on ressente cette situation paradoxale qui tend tout le récit : des personnages terriblement seuls et, en même temps, dans l’impossibilité d’être véritablement seuls.
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L’amour
Mitzvot 13. Aimer les autres juifs.

Haim Tabakman : « L’amour est la force la plus puissante qui existe. Mais parler d’amour peut être trompeur. L’amour est intangible, insaisissable. Je pense aussi que la croyance religieuse et l’amour sont intimement liés. Dans la chanson Hallelujah de Leonard Cohen, il dit : Maybe there's a God above, And all I ever learned from love, Was how to shoot at someone who outdrew you. C’est un peu mystérieux mais révélateur de ce que je veux dire. Je pense que la possibilité de croire en Dieu et celle d’aimer viennent d’une même source. Quelqu’un qui ne croit pas en l’amour peut en parler comme d’une fantaisie ; de même, quelqu’un qui n’a jamais vécu le sentiment religieux peut penser qu’il s’agit d’une fable de l’esprit. L’amour peut ressembler à une épiphanie. Quand on le cherche, on se rend compte qu’il est hors de notre portée. De même qu’un sentiment religieux très intense, l’amour a la capacité de nous faire réaliser des choses extrêmes. Mes personnages éprouvent une véritable souffrance face à l’amour. Aaron, bien sûr, car il délaisse sa femme et s’en veut. Ezri, parce que les gens dont il tombe amoureux ne peuvent pas partager leur vie avec lui. Pour l’un comme pour l’autre, la relation avec Dieu a commencé quand ils étaient très jeunes. C’est là que l’amour et la croyance se retrouvent : ils sont dans une relation à très long terme avec Dieu et il se passe exactement la même chose que dans n’importe quelle relation. Après un certain temps, il peut naître beaucoup d’amertume, de frustration. Cependant, dès qu’ils songent à la séparation, ils réalisent à quel point cette relation est indispensable pour eux. »


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L’homosexualité
Mitzvot 157. Ne pas avoir de relations homosexuelles.

Haim Tabakman : « Avoir des relations sexuelles avec une personne du même sexe, c’est une chose. Mais dans le monde orthodoxe, il faut savoir que l’homosexualité n’existe pas. Elle n’est pas reconnue comme étant une possibilité. Tu n’aimeras point est donc en quelque sorte un film de science-fiction. Une aventure sexuelle peut être pardonnée. Il est possible de revenir en arrière, de se repentir. Dans le Talmud il est écrit que les fils d’Israël ne sont pas soupçonnés de dormir avec d’autres hommes. On peut faire des choses un peu folles, victime d’un trouble psychologique temporaire ou parce que des forces du mal ont envahi l’esprit, mais cela ne fait pas partie de l’essence de l’homme tel que le judaïsme le conçoit. Il n’y a pas de discussion possible. Il n’y a pas de place pour ce type d’orientation sexuelle, point. Vivre à l’intérieur d’une communauté juive orthodoxe, c’est être dans un cadre très strict. Partout, même dans le cinéma, on a besoin d’un cadre pour faire sens. Dans la vie de cette communauté, ils ont besoin de règles précises qui établissent les limites et le sens de la vie. Les Mitzvot couvrent presque tout : chaque petit geste quotidien a pour but de contribuer à l’oeuvre divine. Quand on se retrouve hors du cadre alors que l’on a grandi à l’intérieur, on perd le sens de la vie. Et cela explique pourquoi c’est un sujet si douloureux et tellement problématique. »

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La viande, la chair, le corps
Mitzvot 188. Ne pas manger la viande d'un animal qui n'a pas été tué par abattage rituel.

Haim Tabakman : « Le rôle du boucher est de rendre quelque chose d’impur – la viande – sacré. C’est un homme dont le métier est de traiter avec la chair. La façon dont il coupe la viande est assez violente, et c’est assez proche de la façon dont il coupe ses propres sentiments et désirs. Le problème vient du fait que la religion ne reconnaît pas les besoins de la chair. La seule chose qui est prescrite est de satisfaire son épouse. Dans le Talmud, il y a un passage qui indique que la personne ne pouvant pas contrôler ses désirs doit aller dans une ville étrangère, faire ce qu’il a à faire et revenir ensuite dans sa ville, purifié. La religion juive ignore non seulement les besoins du corps, mais aussi la faiblesse de la nature humaine. Ceci dit, petit à petit, Aaron devient incapable de gérer son rapport à la chair. La scène qui représente le mieux cette idée est celle où l’on voit Aaron et Ezri porter ensemble le demi boeuf. La viande est trop lourde pour être portée par un seul. Ils vont la porter ensemble, mais juste un moment, le temps de la mettre dans la chambre froide. C’est une option qui n’est pas une option, le conflit est trop lourd. »


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Fiche technique
Réalisation : Haim Tabakman
D’après une histoire originale de : Merav Doster
Image : Axel Schneppat
Montage : Dov Steuer
Musique originale : Nathaniel Mechaly
Décors : Avi Fahima
Costumes : Yam Brusilovsky
Son : Gil Toren
Casting : Yael Aviv
Produit par : Rafael Katz, David C. Barrot, Isabelle Attal et Michael Eckelt
Production exécutive : Itai Tamir et Christian Vennefrohne
Distribution : Haut et Court


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présentation réalisée avec l’aimable autorisation de

remerciements à
Carolyn Occelli
logos, textes & photos © www.hautetcourt.com

Publié dans PRÉSENTATIONS

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