* Aliker

Publié le par 67-ciné.gi-2009











Aliker drame de Guy Deslauriers




 





avec :
Stomy Bugsy, Xavier Thiam, Joan Titus, Lucien Jean-Baptiste, Serge Feuillard, Jean-Louis Loca, Patrick Rameau, François Marthouret, David Kamenos, Laurent d’Olce et José Dalmat

durée : 1h50
sortie le 3 juin 2009
bientôt à Strasbourg

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Synopsis
Antilles. Colonie de la Martinique, dans les années 30.
Un simple militant communiste, André Aliker, malgré l’opposition effrayée de ses proches, va prendre la direction de la feuille imprimée que son parti fait paraître, vaille que vaille. Par une intuition extraordinaire, Aliker devinera la force d’impact que pourrait atteindre ce moyen d’expression, et il transformera très vite la petite feuille militante, Justice, en un véritable journal, appliquant des méthodes d’investigations et une éthique dignes de la presse moderne.
Dans cet univers colonial, hiérarchisé et clos, soumis à la toute-puissance des usiniers et des planteurs, ce nouveau journalisme aura l’effet d’un cyclone. Aliker s’attaquera directement au plus puissant des usiniers : Le Dragon. Ce dernier a la réputation de détruire tout ce qui s’oppose à ses intérêts. Mais, André Aliker, affrontant sa propre peur, défiant sa propre mort, avec juste l’idée qu’il se fait du journalisme, ira jusqu’au bout de son intransigeant souci d’information et de vérité. De liberté aussi.


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Un peu d’histoire…
Le 12 Janvier 1934, alors que le jour se lève sur Fonds Bourlet en Martinique, deux jeunes garçons jouent sur la plage. Une forme ballottée par le ressac attire leur attention. Les deux garçons s’approchent et découvrent le corps sans vie d’un homme. La victime est solidement ligotée, les deux bras attachés dans le dos. Les autorités judiciaires et les gendarmes dépêchés sur place dressent un premier procès-verbal constatant un assassinat commis sur la personne d’André Aliker, commerçant à Fort de France et gérant du journal Justice.
Un émoi colossal soulève la colonie. Des manifestations populaires sans précédent se déclenchent. Le journal Justice se vend à des milliers d’exemplaires…
Cet assassinat ainsi que la violence qui le caractérise est un coup de tonnerre qui bouleverse et marque d’autant plus profondément la conscience collective martiniquaise que ses instigateurs demeurent aujourd’hui encore impunis.
André
Aliker naît en 1894 au Lamentin, en Martinique. À 13 ans, il obtient son certificat d’études et travaille durant environ trois ans comme charpentier puis employé de commerce. En 1913, il est exempté de service militaire, mais lorsque la 1ère guerre mondiale éclate, il réussit au bout de la troisième tentative à se faire engager comme volontaire. En France, les rapports exécrables que les Européens entretiennent avec lui, la lecture de journaux comme l’Humanité et Le Canard Enchaîné et sa prise de conscience de l’exploitation de l’homme par l’homme provoquent un choc terrible chez André Aliker. Là, dans les tranchées, au contact des hommes de la classe populaire et du mouvement ouvrier français, surgit sa conscience révolutionnaire.
En 1918, il trouve une place de commis dans une maison de commerce de Fort-de-France puis ouvre rapidement son propre commerce.
En 1920, il se consacre à l’action politique en fondant avec Jules Monerot et Bissol le groupe Jean Jaurès. Le 8 mai de la même année, paraît le premier numéro de leur journal Justice.
Doté d’une conscience sociale, il s’engage dans la lutte aux côtés des travailleurs et participe notamment à la grande grève des charbonniers de la Compagnie Générale Transatlantique d’avril 1925, mais on le voit aussi avec les dockers, les ouvriers du bâtiment et les ouvriers agricoles. La Martinique durant cette période est émaillée de conflits sociaux, de luttes politiques intenses, d’élections et d’actions ouvertes des milieux békés. Par leur puissance financière, ces derniers font régner leur ordre.
Le groupe Jean Jaurès est en échec. Son journal (Justice) se vend très peu. Ses dirigeants (Jules Monnerot, Juvénal Linval, Léopold Bissol) décident d’une opération de survie : développer les syndicats ouvriers et augmenter le niveau de conscience des travailleurs par un journal plus énergique. Ses associés proposent alors à André Aliker de prendre la gérance du journal et d’en devenir le rédacteur en chef.
André Aliker commence par refuser. Sans que nul n’en sache rien, cette proposition d’une si grande responsabilité l’épouvante. Cette peur réveille en lui une frayeur plus ancienne : une terreur irraisonnée éprouvée durant la guerre 14-18, dans les tranchées de Verdun. Il est persuadé que cette terreur est l’origine de la mort de quelques-uns de ses compagnons. Malgré sa croix de guerre, il en a conservé comme une blessure intime, un sentiment de culpabilité qui, depuis, lui gâche la vie. Mais André se souvient qu’il s’était juré de ne plus jamais avoir peur. Malgré l’anxiété que provoque en lui cette responsabilité, il décide d’y faire face et finalement d’accepter la proposition qui lui est faite.


Immédiatement, André Aliker n’hésite pas à dénoncer scandales, injustices et abus des patrons dont il devient la bête noire. Il est à la fois gérant, secrétaire de rédaction, correcteur, diffuseur. Rédacteur aussi de notes courtes, incisives, percutantes qu'il signe, comme en manière de provocation. Mais son souci est aussi d’assurer la régularité de l’édition. À chaque parution, il fait appel aux lecteurs, et aux abonnés pour que l'argent rentre.
En quelques mois le journal Justice connaît un développement considérable. André Aliker met en place une trésorerie performante et une organisation de vendeurs ambulants qui permet à chaque parution de se répandre non seulement dans tous les quartiers de la ville mais aussi dans les communes les plus lointaines.
Mais le plus étonnant est sa manière d’écrire, sa pratique inédite des investigations, son humour, le ton direct et sans concession avec lequel il s’attaque à cette petite vie coloniale, toute empreinte de racisme, d’exploitations éhontées, de corruptions diverses. À la grande surprise des dirigeants du journal, André Aliker ne se comporte pas comme un traditionnel militant mais véritablement comme un journaliste d’un genre inconnu au pays. La responsabilité du journal déclenche une véritable révélation chez André Aliker. Il a le pressentiment de la puissance que représente la presse et une intuition ardente de son rôle en devenir dans l’évolution des sociétés. Il place même le journalisme et le journaliste au dessus du militantisme de base, au dessus de la praxis marxiste. Il n’est, dit-il, au service que de la vérité, que de l’élargissement de conscience. Il dessine les contours d’une notion nouvelle : l’information.
Cette attitude provoque des dissensions entre lui et ses camarades dirigeants. Ces derniers ne comprennent pas très bien ce qu’est un journaliste ni même la conception avec laquelle il organise les choix éditoriaux du journal. Ces dissensions atteignent une tension extrême à l’occasion d’un scandale fiscal, impliquant le plus grand planteur et usinier de la Martinique et le plus terrible d’entre eux, Monsieur Eugène Aubery, dit Le Dragon. André Aliker révèle au grand jour une immense collusion entre politiciens, magistrats, hauts fonctionnaires de la Colonie et planteurs.
Malgré des mises en garde de tous bords, le gérant de Justice publie inlassablement des accusations étayées. La conviction de ceux qu’il incrimine est alors qu'ils ont affaire à un homme avec lequel aucune négociation n’est possible.
Les menaces contre lui se font alors plus ouvertes.
Le 3 novembre 1933, lors d’une représentation du Cirque Dumbar à Fort-de-France, André Aliker est pris à parti puis agressé par un groupe d’hommes. André Aliker dépose plainte au commissariat de police de Fort-de-France, mais cette dernière est classée sans suite. Dans l’édition suivante du journal Justice, il accuse à nouveau directement le Dragon. Celui-ci poursuit Justice en diffamation et le tribunal correctionnel de Fort-de-France condamne André Aliker, son gérant, à une amende.
Le lundi 1er janvier 1934 vers 19 heures, alors qu’il se promène à La Française à Fort-de-France, trois hommes assaillent, bâillonnent, ligotent et conduisent André Aliker à demi inconscient vers une embarcation à fond plat qui attend. Jeté face contre le fond de la barque, il est emmené au large et largué à la mer. Il parvient à se défaire de ses liens, de son bâillon et à regagner la surface. Pendant plus d’une heure, il va nager avant de regagner la plage.
Ce n’est que partie remise. Le jeudi 11 janvier 1934, sur le coup de 14 heures 30, André Aliker quitte l’imprimerie où se compose le journal Justice, rue Louis Blanc, sans avoir terminé les dernières formalités liées à la parution du dernier numéro. Il embarque à bord d’une automobile Nash 3137 stationnée non loin avec son tailleur et ami Hugh Darcy Moffat. La voiture prend la direction de la route de Schoelcher. André Aliker ne réapparaîtra jamais vivant.


***

En face de l’impossible
Guy Deslauriers : « À quand remonte ma rencontre avec André Aliker ?
Difficile à dire. Cela s’amorce par le sentiment  de sa
présence me visitant, souvent, régulièrement. Une insistance difficile à comprendre, même lorsqu’elle s’est transformée en obsession.
Aliker venait-il ainsi à ma rencontre afin que je me décide à explorer cette histoire que nous croyons tous connaître mais qui nous échappe tant ? Était-ce moi qui cherchais à me convaincre que cette tragédie était bien trop inacceptable pour qu’on la laisse enfouie dessous la chape d’une bonne conscience ?
Une autre question me taraudait avec encore plus d’acuité : Comment donner l’exacte mesure de cet homme d’exception ?
Sans aucune réponse à ces questions, j’ai fini par basculer dans l’aventure de ce projet. Ma détermination (ou mon inconscience) n’avait d’égale que la somme des obstacles qui se sont dressés sur notre chemin. Pendant des mois, j’ai avancé ainsi, envers et contre tout, mais avec mille dévouements et soutiens de toutes sortes, soutenu par l’obscure exigence. Ennuis après ennuis, jour après jour, convaincu de la nécessité de ce que je faisais mais toujours sans réponse aux questions initiales que j’avais d’ailleurs fini par oublier.
C’est
Aliker lui-même qui m’en portera les réponses, au fur et à mesure de l’avancée difficultueuse du tournage. À l’évidence, depuis ces années 30, il devinait déjà ce que seraient le monde à venir et les outils neufs qu’il fallait inventer pour résister aux dominations diverses qui depuis la nuit des temps soumettent les peuples, qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs. Du fond de la Martinique, colonie sucrière, poisseuse de fièvres et de misères, d’exploitation honteuse et de racisme, André Aliker avait fixé les impossibles et, à force d’humanité, il avait réussi à contester de manière radicale le soleil noir des colonies.
Là était la réponse à toutes mes questions.
Considérer les impossibles.
Trouver ce que chaque impossible détermine comme possibles.
Aliker nous ouvre ainsi à nous-mêmes pour nous ouvrir au monde.
Il est cette conscience qui nous manque.
Cette clairvoyance qui nous fait défaut.
Et ce courage aussi.
Il sait que la vie est faite de mort, et que toute mort nourrit la vie.
Que la lumière la plus vive gît parfois dans ce que l’ombre a de plus intense.
Tout comme cette petite lampe à huile, au fond des cases anciennes, et dont la flamme tremblote, de jour comme de nuit, et qui insiste ainsi, persiste ainsi, accorant l’espérance, attisant les désirs, nourrissant les débris de ferveur… Confortant ce qui pour vivre ne peut que tenir raide. Une lueur, aussi fragile qu’indestructible alors qu’aucune main ne vient la protéger. Elle résiste, insiste, persiste encore et nous fraye un chemin là où il n’y en a pas…
Que ce film l’accompagne !
»


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Fiche technique
Réalisateur : Guy Deslauriers
Scénario : Patrick Chamoiseau
Directeur de la photographie : Jacques Boumendil
Montage image : Aïlo Auguste
Son : Jean-Paul Bernard
Montage son : Emmanuel Soland
Mixage : Joël Rangon
Musique : Amos Coulanges
1er assistant réalisateur : Cyril De Virginy
Scripte : Mali Cilla
Régisseurs généraux : Anthony Crozet et Roger Marie-Joseph
Décors : Nikos Meletopoulos
Costumes : Sandrine Alpha
Distribution des rôles : Jean-René Lemoine
Coach : Harmel Sbraire
Administration générale : Gisèle Grellet
Directeurs de production : Olivier Flambeau et Sandrine Molto
Producteur exécutif : Guy Deslauriers
Producteur Rfo : Luc Laventure
Productrice déléguée : Yasmina Ho-You-Fat–Deslauriers
Une coproduction : Kreol Productions / Rfo
Avec le soutien : du Conseil Régional de Martinique, du Conseil Général de Martinique et de La Ville de Fort-de-France
Avec également le soutien : de La Ville du Lamentin, de La Ville de Sainte-Anne, de La Ville de Bellefontaine, de La Ville de Case Pilote, de La Ville du Prêcheur, de La ville de Rivière-Pilote, de La Ville des Trois-Ilets, du Conseil Régional de la Guyane et du Conseil Régional de la Guadeloupe
Et la participation : du Centre National de la Cinématographie, des Fonds Images de la Diversité, de L’Acse – Agence Nationale pour la Cohésion Sociale et l’Egalité des Chances et de La Drac Martinique

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présentation réalisée avec l'aimable autorisation de

remerciements à
Guy Deslauriers
logos, textes & photos © www.kreolproductions.com

Publié dans PRÉSENTATIONS

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