* Je l’aimais

Publié le par 67-ciné.gi-2009











Je l’aimais drame de Zabou Breitman











avec :
Daniel Auteuil, Marie-Josee Croze, Florence Loiret Caille, Christiane Millet, Geneviève Mnich, Winston Ong, Olivia Ross, Antonin Chalon, Ysée Dumay Duteil, Clémentine Houée, Woon Ling Hau, Ludovic Pinette, Alain Darlay, Stéphane Le Coq De Querlan, Jonathan Cohen, Sun Yuncheng, Catherine Etchebarne, William Gay, Olivier Saint Jours, Richard Boidin, Christie Lee, Delphine Théodore, Charles Quémere, Mark Dugdale, Louise Carrière, Plume Estève et Jules Balandras

durée : 1h52
sortie le 6 mai 2009

***

Synopsis
En une nuit, Pierre va partager avec sa belle-fille Chloé ce grand secret qui le hante depuis vingt ans, celui qui le mit face à lui-même, à ses contradictions et à ses choix, à son rôle d’homme et à ses manques. Le secret de cet amour pour Mathilde, pour lequel il n’a pas tout abandonné, choisissant une route plus sûre et plus connue. En une nuit, nous saurons la vie d’un homme qui n’osa pas.
Adapté du roman d’Anna Gavalda, ce film de Zabou Breitman nous présente un face-à-face bouleversant entre un homme et sa belle-fille le temps d’un weekend. Au fil des confidences, les souvenirs surgissent, entre nostalgie et regrets.


***

Rencontre avec Zabou Breitman
- : « Comment avez-vous abordé ce projet ? »

Zabou Breitman : « Par le biais du souvenir d’abord, sujet qui m’est cher. Ça a été ma porte d’entrée dans le roman. Comme celle qui s’ouvre sur les souvenirs de Pierre. Cette porte pourrait aussi bien représenter la tranche d’un livre de conte, qui nous mène à l’histoire d’amour secrète, et dans laquelle on plonge avec Pierre et Chloé, au cours de la nuit. Un petit livre caché au creux d’un autre. L’histoire dans l’histoire. C’est un film avec un passage secret. Et tout au long de l’adaptation avec Agnès de Sacy, nous avons gardé le désir des périodes parallèles de la vie qui se télescopent.
Chloé est la première spectatrice de l’histoire de Pierre et Mathilde. J’aimais ces croisements, ces regards en ricochet. J’aimais pouvoir jouer à revenir au présent en pleine tension narrative. Imprimant peut-être une frustration que j’apprécie toujours en tant que spectatrice. Un délai, une pause forcée.
En fait, le code du personnage principal est bousculé dans cette narration. Et comme les codes ne sont là que pour être transgressés…
»

- : « L’humanité qui surgit là où on ne l’attend pas est un thème récurrent dans vos films. Est-ce un trait de cette histoire qui vous a attirée ? »

Zabou Breitman : « On perçoit l’humanité quand précisément elle est où on ne l’attend pas. C’est toujours l’heureuse surprise de l’humain qui se révèle qui nous touche. Au bout du compte, quel que soit le film qu’on fasse, on ne raconte qu’une seule histoire : celle des sentiments, et de la métamorphose. »

- : « Lorsque vous avez fait l’adaptation avec Agnès De Sacy, saviez-vous pour qui vous écriviez ? »

Zabou Breitman : « Non, nous ne le savions pas. Cependant, nous avons donné le nom de Geneviève à la secrétaire - Solange dans le livre - parce que j’ai tout de suite eu l’image de Geneviève Mnich pour le rôle.
Pour Mathilde, il me semblait nécessaire que la comédienne aille au personnage, et c’est ce qu’a fait Marie-Josée. À l’inverse, j’avais envie que Chloé aille à la comédienne qui l’incarnerait. Nous avons donc retravaillé ce personnage en fonction de Florence.
»

- : « Dans quel axe avez-vous travaillé l’adaptation ? »

Zabou Breitman : « J’avais peur de partir très (trop ?) loin vers mes penchants cinématographiques, mes envies de décalages, de déstructuration fantaisiste ou onirique, au risque de trahir le livre d’Anna Gavalda. Il fallait que je trouve mon équilibre dans cette histoire qui n’était pas complètement la mienne. J’ai pu tourner ce qui concerne le passé en premier, l’histoire d’amour entre Pierre et Mathilde, à Hong Kong et cela a tout naturellement donné une mémoire à Daniel Auteuil, à moi, et à l’équipe. On avait le petit livre secret. Nous avons ensuite tourné le présent.
Les lectures préparatoires avec les comédiens et les techniciens ont été l’occasion de percevoir l’histoire dans son ensemble. Avec ses retours au présent, ses échappées, ses changements d’axe. Je restais concentrée sur le fait de ne jamais perdre le regard de Chloé , fondamental dans le roman. Chacun perçoit un livre de façon différente, ce qui donne cet éclat unique et magique à la littérature. Chacun, à travers les lignes de l’auteur, se fait sa propre interprétation, son propre film, en s’appuyant sur son imaginaire. Notre adaptation n’est qu’une des multiples visions possibles. Elle est à la fois plus orientée et plus réductrice.
»


- : « Comment avez-vous choisi vos comédiens ? »

Zabou Breitman : « Daniel Auteuil m’a toujours beaucoup émue dans ses grands rôles d’amoureux. J’aime sa capacité à être un autre en restant si fortement, si intimement lui-même. Cette vérité-là, cette proximité sont pour moi essentielles dans le jeu de l’acteur. Et indispensables au rêve. Daniel est capable d’être là. Simplement. D’écouter, de recevoir. Il vibre dans ses silences, il vit les situations mais jamais de façon ostensible, ou volontariste. Il sait, je crois, choisir quand se laisser piller par la caméra. Jouer la comédie n’est pas, comme beaucoup le croient, prononcer des phrases. C’est dans les scènes muettes que l’on mesure souvent la véritable envergure des grands acteurs. Ce personnage de Pierre traverse vingt ans de son histoire. Daniel et moi-même n’étions pas pour un vieillissement type effets spéciaux. C’est par petites touches, par un travail de chacun que les vingt ans paraissent, Joêl Lavau et Laurent Bozzi au maquillage et à la coiffure, Michel Amathieu à la lumière et Henri Morelle l’ingénieur du son qui mettait un micro spécial pour faire ressortir les graves de la voix de Daniel quand il est plus âgé. Marie-Laure Lasson et Claire Lacaze qui ont choisi des vêtements plus larges, plus épais pour le présent, et des costumes cintrés, fins et dynamiques pour la période Mathilde. Enfin, bien sûr, Daniel lui-même. Il s’arrondissait, se tassait, prenait vingt ans, ou les perdait dans son corps, ses mouvements, son élocution, son regard, sa voix.
Je connaissais peu Marie-Josée Croze. Quand je l’ai rencontrée, je lui ai trouvé une beauté à part, lumineuse, presque animale. J’aime croiser des gens sans pouvoir dire s’ils sont français ou non, d’ici ou pas. Cela enflamme l’imagination. Marie-Josée a une beauté noble qui n’appartient qu’à elle. Mathilde est spéciale, insaisissable et mystérieuse. Et même si Marie-Josée s’est glissée dans Mathilde, elle lui a apporté ce regard trouble et troublant. Ce mystère est propre à l’actrice qui l’a glissé à son personnage. Je souhaitais que l’histoire d’amour de Pierre soit ample, que la princesse du conte soit moderne et forte. En fait elle est plus une reine, de part son indépendance et sa liberté. Elle aime son travail, elle en a une haute estime. Marie-Josée a dû travailler dur pour la scène d’interprétariat. Elle est extrêmement crédible et évidente dans cette scène si difficile à jouer… Elle épouse toujours pleinement la modification des sentiments de Mathilde. Elle lui donne cet éclat particulier, une lumière changeante qu’elle a dans les yeux. Oui je pense que dans ce rôle, Marie-Josée est solaire.
J’ai eu beaucoup de mal à trouver l’interprète de Chloé. J’ai rencontré des comédiennes qui ne l’ont pas comprise. Il est vrai qu’à l’époque, Agnès et moi n’avions pas encore défini le personnage. Juliette Denis, la directrice de casting, m’a fait remarquer Florence Loiret Caille dans
J’attends quelqu’un, très beau film de Jérôme Bonnell où elle est m’a vraiment impressionnée. Aux essais caméra, les acteurs en général sont là, rient, se tournent de dos de face de profil, on parle des costumes des cheveux… Florence était aux essais habitée par Chloé. J’avais la sensation d’avoir été plongée dans le film à mon insu. Et toute l’équipe a ressenti ça. Oui, je l’ai reconnue, c’était elle, c’était Chloé. Elle était lunaire.
»

- : « Comment avez-vous travaillé avec Daniel Auteuil ? Il est troublant… »

Zabou Breitman : « J’ai été parfois insistante. C’est difficile de demander à un grand acteur, aussi pudique, de se livrer davantage.Vous vous dîtes, c’est déjà tellement formidable ce qu’il propose… et puis non, je voulais pousser plus loin, je savais qu’il y avait encore des défenses, des rétentions et je m’approchais sur la pointe des pieds, parce que cette réserve qu’il a en lui, filtre en quelque sorte sur le plateau. Et vous n’osez qu’en murmurant, car il ne s’agit pas de blesser le comédien fragile déjà de plusieurs prises. Il refaisait. Et tout à coup les larmes me montaient aux yeux. C’était la bonne… Cette prise dont vous savez qu’elle sera dans le film, dont vous savez qu’elle est spéciale, parce que l’acteur a donné à ce moment-là une partie très intime de lui-même. Mais parfois, il pouvait aussi s’agir d’un simple regard entre nous. Daniel est en recherche de déséquilibre, de magie. Et il trouve. »

- : « Pierre est entouré de femmes. Comment les avez-vous filmées ? »

Zabou Breitman : « Elles sont quatre : Chloé,Mathilde, Suzanne - la femme de Pierre, interprétée par Christiane Millet, - et sa secrétaire Geneviève, Geneviève Mnich. Je voulais qu’elles aient toutes un moment à elle. Je voulais leur plan fragile, vibrant, comme si on était là un peu par hasard. Que l’on s’approche d’une scène improvisée, par le jeu ou la caméra à l’épaule, pour favoriser l’imprévu, l’accident. Je voulais que l’on flotte sur leur visage, que l’on ait le temps de les regarder, de les aimer, sans imposer un cadre trop défini. »

- : « Le regard de ces femmes est important. C’est particulièrement vrai pour Chloé... »

Zabou Breitman : « Avec le chef opérateur, Michel Amathieu, nous avons parlé souvent de ce point de lumière dans les yeux. Ce sont des grandes histoires d’amour et de chagrin. Les yeux brillent, les gens pleurent, écoutent, on est là, tout proche : le regard est très présent. Le regard et l’écoute. Et l’écoute est quelque chose d’extrêmement fin à jouer. On doit être avec l’autre, s’oublier. Florence sait faire ça. Entrer dans la tête de Pierre, dans ses souvenirs, ses images. Elle était toujours dans l’intensité du personnage. Elle a une puissance incroyable, incontournable. Sous cet aspect délicat et simple. Quand elle arrivait sur le plateau, souvent bruyant, sa force de concentration imposait le silence. Les gens chuchotaient, marchaient sur la pointe des pieds. »


- : « Pensez-vous que si vous n’aviez pas fait vos deux films précédents, vous auriez pu faire celui-là ? »

Zabou Breitman : « Bien sûr. Il aurait juste été différent. Et les maladresses d’un premier film ont souvent le charme de la découverte. C’est le premier film que je tourne, en revanche, que je n’écris pas de la source. À priori mon univers et celui d’Anna Gavalda n’ont que peu de points communs. Agnès de Sacy me disait souvent qu’elle trouvait que précisément c’était pour cela que l’aventure lui semblait belle. Se trouver, ailleurs. Laisser résonner les correspondances, dès qu’il y en a. Il s’agissait de raconter une histoire d’amour. Ou plus exactement, son souvenir. Ce souvenir qui surgit dans le présent, je ne voulais pas en faire un tableau. Je souhaitais qu’il soit vibrant, aléatoire, et toujours rendre sa place à Chloé qui est à la fois le sujet et l’adresse.
Je devais maîtriser les deux histoires en permanence. Et faire croire aux deux. Mon film d’avant était très construit, avec un cadre pensé, dessiné. Là, je voulais mettre parfois la caméra en fragilité, prendre de l’angle, de la souplesse. Dès l’écriture avec Agnès nous nous sommes beaucoup attachées au métier de Pierre. Au concret du quotidien de ce patron d’entreprise. J’aime le monde du travail. J’aime le montrer. Par le biais de ce quotidien, par sa véracité, on peut donner une profonde incarnation au personnage de Pierre et une crédibilité qui assoit aussi son histoire d’amour. On peut
croire.
Sur le plateau, j’ai décidé que je pouvais changer, modifier. Cela faisait peur parfois, à moi en premier. J’avais le trac sur ce tournage. Je craignais que ma mise en scène ne soit pas à la hauteur de la qualité des acteurs. Mais je ressens souvent ça : de ne pas user au mieux de ce dont je dispose. Je redoutais de ne pas réussir l’essentiel sur un film : être au bon moment au bon endroit.
»

- : « Jusque dans le cadrage, c’est une question de proximité, d’intimité, au point que l’on entend des battements de coeur dans le micro de Florence… »

Zabou Breitman : « Oui. Françoise Bernard, la monteuse, m’a signalé que l’on entendait effectivement le coeur de Florence sur son micro HF. Elle, et le monteur son, ont même suggéré de garder les battements dans le film. On a vite décidé que non. C’était tentant mais trop peu définissable, en fait. Mais ces battements nous ont émus longtemps. Je suis quasiment tombée amoureuse du thème principal de la musique de Krishna Levy. J’aime qu’il n’ait pas peur de la mélodie, du lyrisme, du drame. Il faut de l’ampleur. Des musiques qui emmènent, qui prennent aux tripes. Les battements du coeur sont là, finalement. Ceux du coeur de Chloé, mais aussi de Pierre, de Mathilde, de Suzanne, de Geneviève. Leur coeur qui bat qui bat qui bat. »

- : « Comment résumeriez-vous le coeur de votre film ? »

Zabou Breitman : « C’est un film sur le choix. Le personnage de Pierre le synthétise dans une réplique : La question est : a-t-on a le droit de se tromper ? . Je pense qu’on peut se tromper, mais pas en évitant de choisir. L’absence de choix me semble morbide, terrifiante. Et pourtant on est confronté à ça tous les jours. À un moment de sa vie, Pierre n’a pas choisi et il a découvert que les conséquences de ce que l’on ne fait pas sont souvent les plus graves. Il n’efface pas l’ardoise en parlant, il calme juste un peu sa douleur, et délivre à Chloé sa formule de vie… »

- : « De quoi êtes-vous la plus heureuse sur ce film ? »

Zabou Breitman : « Des rencontres. Comme toujours. »


***

Fiche technique
Réalisatrice : Zabou Breitman
Scénario, adaptation, dialogues : Zabou Breitman et Agnès De Sacy
D’après le roman de : Anna Gavalda Paru aux Éditions Le Dilettante
Directeur de la photographie : Michel Amathieu, A.F.C.
Cadreur : Berto
Photographe de plateau & making of : Mathilde Chapuis
Chef monteuse : Françoise Bernard
Ingénieur du son : Henri Morelle
Monteur son : Jean-Marc Lentretien
Mixeur : Éric Bonnard
Chef décorateur : François Emmanuelli
Créatrice de costumes : Marie-Laure Lasson
Directrice de casting : Juliette Denis
Chef maquilleur : Joel Lavau
Chef coiffeur : Laurent Bozzi
Scripte : Brigitte Hedou-Prat
Musique originale : Krishna Levy
Première assistante réalisatrice : Anne-Sophie Hervieux
Directrice de production : Béatrice Chauvin-Ballay
Directeur de post-production : Antoine Rabaté
Une coproduction : France - Belgique - Italie Babe Films, France 2 Cinéma, Snd, Banana Films, Indigo Film
Produit par : Fabio Conversi
Avec la participation de : Canal+ et Cinécinéma
Avec la participation de : France 2
En association avec : La Banque Postale et Image 2 & Cinémage 3
Avec le soutien de : La Région Franche-Comté

***
 


présentation réalisée avec l’aimable autorisation de


remerciements à
Olivier Lebraud
logos, textes & photos © www.snd-films.com

Publié dans PRÉSENTATIONS

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article